jeudi 10 novembre 2022

La liberté académique selon la Recommandation de l’UNESCO du 11 novembre 1997 concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur.

Cette Recommandation de l’UNESCO n’a pas, par elle-même, une force contraignante. Elle a établi une norme (cf. son Préambule), non un texte de loi officiel. Elle résulte néanmoins de la prise en considération des oppositions de certains Etats au projet de texte initial, afin de parvenir à un compromis acceptable pour tous (« Tous les participants [y compris les représentants des États donc, et notamment de la France] ont soutenu le texte adopté, qui est devenu la recommandation étudiée et adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO le 11 novembre 1997, sans aucune voix dissidente »1). Cette prise en considération a été et sera essentielle pour que des juges considèrent comme inhérent à l’enseignement supérieur certains aspects de cette recommandation, notamment en matière de liberté académique. Cette Recommandation se fonde, dans son Préambule, sur le « droit à l'éducation, à l'enseignement et à la recherche », qui « ne peut s'exercer pleinement que dans le respect des libertés académiques et de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur ». Avant d’être un droit des enseignants, la liberté académique résulte donc du droit de recevoir un enseignement supérieur digne de ce nom. C’est donc l’objet et la finalité des activités d’enseignement supérieur, la formation d’étudiants, qui exige le respect des libertés académiques. Les étudiants de l’enseignement supérieur doivent pouvoir recevoir un enseignement qui n’est pas contrôlé ou censuré par le pouvoir politique, par un pouvoir économique, par une autorité policière, militaire ou religieuse ; droit qui a pour corollaire que « les enseignants de l'enseignement supérieur ont le droit d'enseigner à l'abri de toute ingérence » (point n°28 de cette recommandation), ce qui implique une pleine liberté d’enseignement des enseignants et une pleine liberté d’expression. Cette Recommandation de l’UNESCO, comme un règlement ou une directive de l’Union Européenne, commence par des définitions, notamment de l’« Enseignement supérieur », de la « Recherche » des « Etablissements d'enseignement supérieur » (qui ne se limitent pas aux universités), et du « Personnel enseignant de l'enseignement supérieur » ; et précise qu’elle « s'applique à l'ensemble du personnel enseignant de l'enseignement supérieur » (et pas seulement aux professeurs d’université et aux enseignants-chercheurs). Cette Recommandation de l’UNESCO considère à son point n°18 que « l'autonomie [des établissements d’enseignement supérieur] est l'expression institutionnelle des libertés académiques et une condition nécessaire pour que les enseignants et les établissements de l'enseignement supérieur puissent s'acquitter des fonctions qui leur incombent ». Et à son point n°21 qu’une véritable autonomie implique la collégialité (donc de ne pas exclure certains enseignants des processus de décision ou de concertation). À son point n° 27, cette Recommandation de l’UNESCO considère : - que « l'exercice des libertés académiques », qui « doit être garanti aux enseignants de l'enseignement supérieur », « englobe la liberté d'enseignement et de discussion en dehors de toute contrainte doctrinale », « le droit d'exprimer librement leur opinion sur l'établissement ou le système au sein duquel ils travaillent » (au sein de l’établissement et en dehors), « le droit de ne pas être soumis à la censure institutionnelle » et de ne pas « avoir à craindre de mesures restrictives ou répressives de la part de l'Etat ou de toute autre source » ; - que « les enseignants du supérieur ne pourront effectivement se prévaloir de ce principe que si le milieu dans lequel ils évoluent s'y prête ». À son point n°33, cette Recommandation de l’UNESCO considère que « le personnel enseignant de l'enseignement supérieur » doit également « respecter les libertés académiques des autres membres de la communauté universitaire » et « accepter la confrontation loyale des différents points de vue ». Même les professeurs d’université doivent donc respecter les libertés académiques des autres enseignants du supérieur, et donc ne pas se contenter de leur opposer des arguments d’autorité tenant à leur position hiérarchique. À son point n°45, cette Recommandation de l’UNESCO considère que « le régime de la permanence lorsqu'il existe, ou le cas échéant son équivalent fonctionnel, constitue l'un des principaux instruments de préservation des libertés académiques et de protection contre les décisions arbitraires ». À son point n°48, cette Recommandation de l’UNESCO considère que les sanctions disciplinaires ne doivent pouvoir être infligées aux enseignants du supérieur qu’avec la participation de « pairs de l’intéressé réunis en collège indépendant ». Cette Recommandation de l’UNESCO considère également que la procédure relative aux sanctions disciplinaires relève des « condtions d’emploi ». En résumé, les libertés académiques selon cette Recommandation de l’UNESCO se composent de libertés individuelles de faire et de s’exprimer (au sein des établissements d’enseignement supérieur et en dehors), et d’un contexte garantissant ces libertés individuelles, notamment l’autonomie des établissements universitaires et la participation des pairs aux différents processus internes à ces établissements, notamment au processus disciplinaire. Nous recommandons évidemment la lecture complète de cette Recommandation de l’UNESCO, et nous en citerons d’autres passages dans de futurs articles

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